Baromètre XVIIIe

Thermomètres et baromètres anciens font la pluie et le beau temps

Les instruments de mesure anciens n’intéressent pas seulement les scientifiques. Beaucoup de ces objets sont des œuvres d’art, des témoignages historiques, le reflet d’un style décoratif affirmé.

Pour Arnaud Catel, un antiquaire de référence pour le XVIIIe siècle et plus spécifiquement pour les baromètres et thermomètres anciens en bois doré, « c’est au XVIIIe siècle que la qualité intrinsèque des matériaux travaillés par des artisans extrêmement talentueux atteint des sommets ». Notre interlocuteur constate que « comme dans d’autres domaines artistiques, le marché de ce type d’instruments se porte bien pour les objets de qualité, riches de décors et de symbolisme ». Sa clientèle, française et étrangère, est très large. « Elle n’est pas majoritairement constituée de collectionneurs, mais davantage d’amateurs de cette période de l’histoire et d’objets décoratifs de belle facture s’intégrant avec harmonie dans une demeure bourgeoise ». Baromètres et thermomètres, souvent associés, paraissent à première vue d’une grande ressemblance, et pourtant tous sont différents. « Cela contribue à leur attrait », ponctue notre spécialiste.

Baromètre et thermomètre sur un support en bois doré à décor de fleurs, de feuilles de laurier, de guirlandes et de cannelures. Époque Louis XVI. H. : 99 cm.

Dans l’esprit du XVIIIe siècle, le fabricant doit apporter un supplément d’âme à un objet, quel qu’il soit. « L’amortissement (la partie supérieure de l’encadrement) reflète un symbolisme fort avec des attributs guerriers, musicaux, amoureux, sous la forme d’oiseaux, de colombes, de cœurs… », explique Arnaud Catel. L’encadrement en bois est sculpté de fleurs et de feuillages, le plus souvent de laurier. « Leur valeur tient bien sûr à leur époque, mais également aux inscriptions figurant sur le cadran, reflets d’un contexte historique particulier. » Parmi ces curiosités, on relève : « les systèmes de mesure différents sous l’Ancien Régime, indication de records de températures hautes ou basses pour certains pays, comme la Russie, le Sénégal ou la Syrie, précisions géographiques, température du sang, d’une chambre de malade ou plus rarement de la culture des vers à soie… ».

Comme les plus beaux meubles, baromètres et thermomètres peuvent être estampillés. Si c’est le cas, c’est une valeur ajoutée. Il en est de même si la manufacture est connue. En dehors de la boiserie, les mécanismes sont majoritairement d’origine italienne. En France, le plus connu est le « Réaumur » du nom de son inventeur. Ces deux instruments de mesure font partie des curiosités qui, au-delà de leur aspect décoratif, passionnent les amateurs d’art et les historiens. « Leur valeur marchande, outre leur état de conservation, dépend de l’ensemble de ces facteurs », résume notre antiquaire.

Un long perfectionnement

Au fil des décennies, présents partout, simples ou de belle facture, thermomètres et baromètres sont donc devenus des objets d’art et même publicitaires (surtout entre 1930 et 1970). Le baromètre, qui sert à mesurer la pression atmosphérique et donc estimer les tendances du climat, peut être à base d’eau ou de mercure, selon son utilisation. Le premier thermomètre qui a marqué l’histoire est le thermoscope, inventé par le scientifique italien Galilée (Galileo Galilei, 1564-1642), en 1597. Généralement associé au baromètre, son principe général repose sur l’utilisation de la dilatation des liquides pour mesurer la température. Son emploi va concerner les domaines les plus variés, de la météorologie à la médecine, en passant par la cuisine.

Le plus simple et le plus courant des baromètres est le tube en verre à mercure inventé par Evangelista Torricelli (1608-1647). Ce mathématicien italien remarque, lors de ses expériences, que la hauteur du mercure dans le tube varie avec les changements du climat. La pression mesurée s’exprime en millimètres de mercure. Découlant de l’expérience de Torricelli en 1643, le baromètre devra attendre le règne de Louis XVI pour véritablement connaître son âge d’or.

Baromètre-thermomètre dans un encadrement en bois doré, sculpté d’un trophée sur la musique et de cornes d’abondance. Époque Louis XVI. H. : 96 cm. Château de Coupvray

Le cadre de bois sculpté entoure une colonne de verre pouvant contenir 83 cm de mercure, dont la variation de niveau entraîne une poulie qui déplace une aiguille sur un cadran aux inscriptions plus ou moins riches d’informations. Le baromètre à cadran deviendra le plus répandu à partir de son invention par l’Anglais Robert Hooke (1635-1703), en 1670. Il est surtout utilisé pour la prévision du temps et sera perfectionné par l’ingénieur français Jean Fortin (1750-1831). En 1843, le Français Lucien Vidie (1805-1866) met au point le premier baromètre anéroïde, mécanique, plus pratique et moins coûteux. À partir des années 1850 apparaissent des baromètres et thermomètres à des fins domestiques, très répandus. Les premiers modèles numériques datent, quant à eux, des années 1980.

Quand le mercure se change en or

Jusqu’au XXe siècle, chaque baromètre offre des caractéristiques esthétiques propres. Sous le règne de Louis XIV (1661-1715), ces instruments sont encore le privilège de l’aristocratie. Ils embellissent avec charme et curiosité les salons. La forme du cadran se prête davantage à l’ornementation que la forme dite « bâton ». Coquilles et feuilles d’acanthe font partie des motifs les plus récurrents, sculptés dans le bronze ou le bois. À l’époque de Louis XV (1730-1760), nous entrons dans le style rocaille empreint de féminité. Les ornements sont raffinés, élégants, abondants, avec leurs courbes et contre-courbes, leur féminité loin de la rigueur précédente. Les fleurs se mêlent à des volutes et entrelacs de feuillage sculptés. Les baromètres-thermomètres sont particulièrement appréciés dans la France du XVIIIe siècle, et pas seulement par les marins ou les agriculteurs. D’où l’expression de « folie barométrique ».

Aujourd’hui, comme hier, leur valeur dépend de leur beauté en soi, davantage que de la précision du mécanisme. Ils représentaient un élément capital dans un nouveau style d’ameublement, au même titre que les miroirs et pendules. Le règne de Louis XVI (1760-1789) signe la naissance du néo-classicisme. Un désir de simplicité se traduit par une inspiration faisant référence à l’Antiquité. Les baromètres Louis XVI adoptent des formes géométriques et des lignes droites. Le bois préféré est l’acajou et l’ornementation, même simplifiée, n’a pas oublié les feuilles d’acanthe, pommes de pin et rubans. Les instruments de mesure n’y échappent pas. Leur vogue est telle que leur fabrication fait appel à des matériaux moins onéreux. Sous l’Empire, thermomètres et baromètres deviennent fastueux et s’ornent de l’aigle impérial. On conserve la qualité des matériaux et du savoir-faire employés au XVIIIe siècle, mais on se tourne vers un style solennel et imposant. Les formes se font plus rectilignes encore.

Sous la Restauration (1815-1848), les baromètres se présentent souvent avec un fond d’inscription en verre églomisé (ou fixé sous verre). À partir de la seconde moitié du XIXe siècle se profile le développement d’une production industrielle, qui n’offre plus le même charme. Les instruments de mesure sont alors d’une facture plus moderne, essentiellement utilitaire. L’aspect décoratif régresse. L’ornementation est simplifiée et privilégie le stuc doré au bois doré. On remarque également des modèles en bronze et placage de bois exotiques tels l’acajou, le palissandre ou le bois de rose. Le temps change.

Une restauratrice de baromètres anciens

« L’adaptation du mécanisme est particulièrement difficile sur du bois ancien »

Laurence Gillery est restauratrice de baromètres (et antiquaire). « Les plus beaux baromètres traversent le temps », affirme-t-elle. Dans son atelier jouxtant sa galerie d’antiquités au cœur de Montmartre, Laurence Gillery, avec patience et passion, restaure avec minutie les baromètres à mercure datant de la fin du XVIIe siècle jusqu’aux années 1850. « Dans la remise en état des baromètres et baromètres-thermomètres, il faut distinguer la boiserie et le mécanisme. En ce qui concerne l’encadrement, je procède en premier lieu à un nettoyage approfondi. Puis je refais à l’invisible les parties sculptées manquantes (attributs des frontons, encadrements), restaure les écaillures, les usures du bois, avant de procéder à la délicate dorure à la feuille. »

Laurence Gillery répond à la demande précise des clients, selon leurs goûts. « Certains ne souhaitent pas une remise à neuf ». La grande époque de ces appareils de mesure correspond au règne de Louis XVI, « passionnante pour les formes différentes qu’elle offre et la richesse des décors ». Afin que le baromètre fonctionne et soit fiable, cet encadrement en bois doit être parfaitement apte à recevoir le mécanisme et ne doit être ni voilé, ni cassé, ni fêlé. « L’adaptation du mécanisme est particulièrement difficile sur du bois ancien », explique notre restauratrice. « La fixation entre les deux parties se doit d’être parfaite, sous peine d’un manque d’équilibre et d’un dysfonctionnement. »

La restauration comprend différents points… « Il faut vérifier l’état et la verticalité des tubes en verre, la netteté du mercure, l’équilibre des aiguilles (voire les remplacer ou les remettre en état), contrôler les poulies en ivoire. Quant aux inscriptions ornant le fond du cadran, il faut souvent les reprendre à la plume, endommagées par des problèmes d’humidité, d’usure, qu’elles sont… » Ce travail serait impossible sans le stock d’accessoires accumulés depuis des années et aujourd’hui totalement introuvables.

Quelques prix

Les maîtres mots sont esthétisme et authenticité. L’estimation découle de la qualité de la sculpture et de la dorure, de l’harmonie des proportions, puis du fonctionnement. En raison de leur fragilité, beaucoup de ces pièces ont été restaurées ou laissées dans leur jus. La valeur tient à tous ces facteurs.

Entre 50 et 120 euros.

Un thermomètre publicitaire des années 1950. Mais plusieurs milliers d’euros s’il s’agit d’une plaque émaillée en excellent état, signée d’un affichiste de renom, pour une grande marque (le chocolat Pupier est particulièrement connu pour ses publicités avec thermomètre).

Thermomètre sur tôle émaillée pour le chocolat Pupier. Émaillerie Alsacienne Strasbourg. H. : 110,5 cm – l. : 40 cm.

Environ 500 euros.

Un petit baromètre du XVIIIe siècle de bel aspect, mais présentant des manques au niveau de la boiserie, des usures de la dorure et un dysfonctionnement du mécanisme (le prix se divise par deux voire par trois comparé à un objet en bon état).

Baromètre en bois doré d’époque Louis XVI. Ce modèle restauré est surmonté d’un décor dit Au couple d’oiseaux, et encadré d’une couronne de lauriers et de rubans noués. H. : 90 cm – l. : 58 cm.

À partir de 1 200 euros.

Joli petit baromètre, simple, mais de qualité et en bon état de fonctionnement.

À partir de 3 000 euros.

Objets de belle facture à l’esthétisme tendant vers la perfection.

4 000 euros environ.

Baromètre Louis XVI en bois doré, couplé, par exemple, avec deux thermomètres et un miroir.

Au-delà de 5 000 euros.

D’exceptionnels baromètres en bois doré d’époque Louis XV ou Louis XVI.

Voir

Musée des arts et métiers, Paris 3e www.arts-et-metiers.net

Musée d’histoire des sciences, Genève, Suisse, www.ville-ge.ch/mhs