fauteuil Jansen

Maison Jansen le design chic des années 1970

Du design oui, mais dans le respect de la tradition mobilière française, et surtout avec du chic. C’est ainsi que l’on pourrait résumer, de manière un peu raccourcie, l’héritage d’un grand ensemblier français qui a fleuri dans les beaux quartiers.

Jansen, un nom qui évoque une époque… Les années 1960 et 70 sont à leur apogée. La France va bien. C’est un pays où tout semble possible. Dans la Jet Set internationale, insouciant aréopage de stars de cinéma, d’idoles de la littérature et de têtes couronnées, on adore la Maison Jansen, son goût pour les styles mixés avec une exubérance de bon aloi et son côté brillant. Jansen, ce sont des tables basses Maison Jansen en verre acoquinées avec des cabinets en laque noir surlignés de dorures, des luminaires en métal tourmenté éclairant avec faste des fauteuils confortables, mais audacieux dans les formes. C’est un éclectisme chic qu’on s’arrache, des Kennedy aux Rockefeller. Quelque chose comme un bling-bling en version élégante…

Galerie Jean-Luc Ferrand, Maison Jansen. Lampe Palmier en laiton doré. Années 1970, en vente sur Antikeo

Des origines plus anciennes

L’histoire de Jansen débute en 1880 quand le Hollandais Jean Henri Jansen fonde, à Paris, la maison éponyme. Jansen se situe dans la continuité de ces ensembliers et entreprises d’ameublement mondialement célèbres qui existaient sous le Second Empire et au temps des Expositions universelles, tel l’Escalier de cristal.  À cette époque, l’Union Centrale des Beaux-Arts appliqués à l’Industrie et la Société du musée des Arts Décoratifs fusionnent et donnent naissance à l’Union Centrale des Arts Décoratifs. Cet organisme soutenu à la fois par les galeristes, les collectionneurs et les fabricants, donne le « la » à toute une profession. Dans le marasme politico-idéologique ambiant (NDLR : la France a été vaincue par la Prusse en 1871 et Napoléon III est en exil), l’Union Centrale des Art Décoratifs oriente la production vers la célébration des styles passés. Cette nostalgie évoque les souvenirs d’une époque que l’on imagine plus stable. Un exotisme novateur va faire fureur. C’est le règne du style turc et du japonisme.

Une réputation internationale

La Maison Jansen s’engouffre avec maestria dans la mode « exotique », mais développe rapidement un style issu des fastes ornementaux du XVIIIe, puis un peu plus tard des styles dits « impériaux » destinés notamment aux familles royales. Après la Première Guerre mondiale, J.H Jansen s’entoure d’Albert Cazes, dessinateur, de Stéphane Boudin et de Pierre Delbée qui dirigeront successivement la Maison à sa disparition, en 1929. Boudin, au début de l’ère Kennedy, redécorera entièrement la Maison-Blanche, à la demande de Jackie, la First Lady, qui avait découvert son travail à la Malmaison et en était tombée amoureuse.

Galerie Antiquités Lecomte, Table Basse « Les Cygnes » en Verre et Laiton, Maison Jansen – 1950, en vente sur Antikeo

En 1971, Jansen s’associe à la maison Leleu-Deshays et poursuit la même quête d’excellence. De 1969 à 1979, c’est le dandy décorateur Serge Robin qui dirige la maison, lui imprimant un style éclectique et luxueux. À la tête de Jansen, il va revisiter les grandes époques de l’art français, de la Renaissance au Louis XVI, en les mixant avec des pièces, contemporaines en plexiglas ou en fer forgé. Son style recomposé et sophistiqué fait fureur. Quand Jackie Kennedy, devenue Mme Aristote Onassis, l’épouse du plus grand armateur de la planète, s’installe en France, le jeune architecte et décorateur marie pour elle les meubles de style Louis XVI à ceux plus modernistes des années 1950. En 1971, lorsque le shah d’Iran veut fêter le 250e anniversaire de l’Empire perse, Serge Robin et ses équipes œuvrent au décor grandiose et éphémère de Persépolis. Une centaine de semi-remorques quittent alors les ateliers de la rue Saint-Sabin pour rallier Téhéran. À la même époque, la princesse Soraya d’Iran lui commande un palais somptueux pour l’avenue Montaigne, les princes Faisal bin Fahd d’Arabie et Moubarak al-Sabah, et les Agnelli se l’arrachent, ainsi que Brigitte Bardot pour laquelle il relooke entièrement la Madrague et le boulevard Lannes.

Suite de quatre chaises à haut dossier en chêne cérusé, de style Louis XV. Années 1950.

Serge Robin incarne entièrement l’audace Jansen des mariages les plus improbables. Avec lui, tables en plexiglas, chaises japonisantes des années 50, commode style Louis XVI en cuir, rideaux en fil d’or et canapés zébrés ont décoré les appartements les plus en vue des « seventies ».

Le clap de fin

Les plus belles histoires ont une fin. À l’aube des années 90, affaiblie par les changements d’une société en proie à l’inquiétude, la disparition ou l’éloignement progressif des grandes familles, et par la raréfaction des grandes demeures bourgeoises, la maison Jansen perd sa clientèle vieillissante. Les changements de la société, l’évolution des goûts, l’importance du design font que Jansen a certainement manqué un virage de la modernité. En 1989, c’est la fermeture. La Maison Jansen n’en a pas pour autant disparu du paysage. Les productions Jansen sont toujours présentes sur le marché, dans des ventes publiques en France autant qu’aux États-Unis où on les apprécie beaucoup. Tables transparentes en plexiglas, canapés zébrés, fauteuils en cuir et métal, mais aussi cabinets exotiques et commodes style Régence continuent de trouver leur place dans certains intérieurs, symboles d’une époque où l’on espérait des lendemains toujours meilleurs…

La première maison de design global

La Maison Jansen restera dans l’histoire des Arts Décoratifs comme la première firme de design global. Dans l’immeuble de cinq étages de la rue Saint-Sabin, à Paris, tout un monde vivait dans une extraordinaire effervescence, dans une ambiance joyeuse et survoltée ! Deux cents ébénistes, sculpteurs, doreurs, tapissiers, ciseleurs, mais aussi architectes et dessinateurs ont ici conçu mobilier, papier peint, miroirs et luminaires.

L’avis de l’antiquaire

Jean-Luc Ferrand est antiquaire au Marché Biron à Paris et vendeur sur Antikeo,

Qu’est-ce qui caractérise ces grandes « maisons » de décoration comme Jansen ?

« Les grandes maisons comme Jansen, Mercier, Jules Allard et Fils vont révolutionner la décoration au XIXe siècle en engageant à leurs côtés des designers réputés comme René Joubert ou Carlos Ortiz… Ceux-ci sont considérés comme des clients et non comme des employés ou des fournisseurs. Cela change totalement le mode de travail avec les artisans et les créateurs. Il s’en dégage un véritable “style Jansen”, construit sur l’excellence. »

Galerie Lauretta, Bureau Guy Lefèvre Pour Maison Jansen Années 70, en vente sur Antikeo

En quoi Jansen se distinguait-elle de ses concurrentes ?

« L’une des forces de Jansen est d’avoir eu une politique publicitaire et commerciale particulièrement audacieuse. Dans le bâtiment du 6 rue Royale, Jansen met sur pied une vitrine exposant les toutes dernières créations afin de pourvoir constamment aux demandes les plus audacieuses. En plus des campagnes de promotion, la maison brille également pendant les grandes expositions internationales. Après l’Exposition universelle de 1889, le Roi Léopold II de Belgique, impressionné par ce qu’il découvre, charge la maison de redécorer le château royal de Laeken. »

Cette opportunité va-t-elle ouvrir des portes à Jansen ?

« Oui, bien sûr. Grâce à ce succès sans précédent, Jansen développe sa clientèle internationale. L’élite intellectuelle et financière du siècle en est folle, de Coco Chanel aux Rothschild, en passant par les Vanderbilt et Rockefeller. On trouve de nombreuses succursales Jansen à Londres, New York, São Paulo, Prague, La Havane, Rome ou Le Caire. Des ateliers et des galeries ouvrent à Buenos Aires, Alexandrie, La Havane, Londres, New York.  Jansen est alors considéré comme la première maison de décoration mondiale. »

Où trouver du Jansen et à quel prix ?

Les ventes publiques de design des années 70 présentent souvent des meubles et des luminaires Jansen. On peut également repérer chez les antiquaires et dans les ventes publiques des meubles Jansen des années 40 et 50, cabinets laqués, bureaux et commodes très ouvragées. Côté années 70, les pièces les plus fréquentes sont des tables en verre, des canapés, des fauteuils en cuir. On trouve également des luminaires très ornementés avec des motifs empruntés à la nature, notamment les célèbres lampes « palmier » des années 70 dont le prix commence autour de 800 euros, selon leur état. Côté meuble classique,  un bureau laqué de style Louis XVI, réalisé dans les années 40, peut se négocier jusqu’à 15 000 euros. Sur les sites de vente de design en ligne les plus sérieux, on pourra trouver une paire de fauteuils en cuir des années 70, dans les 5 000 ou 6 000 euros, un canapé de forme néoclassique de la même époque dans les 5 000 euros. En vente publique, ces prix peuvent varier de façon sensible, sachant que les pièces qui s’enflamment le plus sont celles des périodes plus anciennes, autour des années 30, particulièrement l’époque Art Déco.

Souvent des pièces non signées

Le problème majeur du mobilier Jansen est qu’il est rarement signé, même si la maison faisait toujours appel à des créateurs de renom. D’où une difficulté d’authentification. Il est donc conseillé de rechercher les documents (factures, croquis préparatoires) accompagnant les chaises, tables, canapés et autres pièces de mobilier.

Galerie Jean-Luc Ferrand, Maison Jansen, Table Ronde En Laiton Et Marbre Gris, Années 1970, en vente sur Antikeo

Des copies « dans le goût de Jansen »

On trouve beaucoup de pièces « dans le goût de la Maison Jansen » (l’expression qui ne confère aucune garantie d’authenticité). Bien sûr, le prix est plus bas, mais l’objet, sans intérêt pour l’amateur. Une table basse « dans le goût de la Maison Jansen » ne dépassera guère 100 euros, alors qu’un petit modèle authentique de la même période se négocie en général à partir de 500 euros, au moins.