Début XIXème, le Premier Empire Attaque
Premier Empire (1804 – 1814)
Les premières productions du Premier Empire font toujours référence à l’Antiquité. Le néo-classicisme impose ses formes à l’art décoratif et aux beaux-arts. Cependant, l’Antique devient plus que cela, c’est une véritable philosophie de vie. Napoléon entend retrouver la gloire perdue d’une Rome antique rêvée. Le style possède une fonction précise, c’est un support de propagande politique. Ainsi, la grandeur de l’Empire se retrouve dans les formes raides des fauteuils Empire et dans la noblesse du matériau. Effectivement, c’est l’acajou qui domine. Les pieds avants se terminent par des griffes de lion et les pieds arrières sont courbés ” en sabre “. Le dossier peut être ajouré ou rectangulaire, plein et légèrement courbé. Les consoles d’accotoirs sont aussi sculptées en forme d’aigles ou de sphinges. Oubliée après la Révolution, la dorure sur bois est remise au goût du jour pour sublimer le mobilier.

Restaurations (1814-1830)
Napoléon est déchu, la royauté revient s’installer en France. La période complexe des Restaurations voit un retour général des formes issues de l’Ancien Régime. La noblesse ancienne favorise l’éclosion d’un ameublement plus gracieux et moins martial que sous le Premier Empire, nous parlerons alors de style restauration. Les formes restent sobres et architecturées, atténuées par des courbes douces et des bois plus clairs. Les motifs issus du répertoire antique disparaissent, au profit d’enroulements délicats qui révèlent une étude approfondie du goût Louis XV. Les accotoirs et leur consoles sont sinueux et reposent sur un dé dans le prolongement des pieds avants. Les pieds arrières restent en sabre, tandis que les pieds avants prennent une forme de fuseau.
Louis-Philippe et la monarchie de Juillet (1830-1848)
Louis-Philippe est un roi bourgeois, s’appuyant sur cette classe sociale émergente pour régner. Plus soucieux du confort que de l’élégance, les meubles Louis-Philippe innovent peu et rien ne semble fondamentalement neuf. Le fauteuil ” Voltaire “, à haut dossier, se démocratise et connait un grand succès. Dès la fin de la monarchie de Juillet, les décorateurs n’hésitent pas à mêler différents styles, ouvrant ainsi la voie à l’éclectisme du Second Empire.
En effet, les sièges Néo-Louis XV sont mis au point durant la dernière partie du règne du roi des français. Pieds galbés, consoles d’accotoirs chantournées, ceintures d’assises ornées d’œillets et de coquilles, tout le décorum rappelle le style rocaille. Cependant, les proportions nettement plus larges sont bien issues du Premier Empire. Michel-Victor Cruchet est un sculpteur très habile, qui s’approprie parfaitement les styles passés. Il réalise un ensemble de fauteuils pour le salon néo-Louis XV du duc de Nemours.
Innovations Allemandes
Le style Biedermeier (1815 -1848) naît dans l’Europe germanique. Ce style rejette les matériaux luxueux et les techniques françaises au profit des bois traditionnels comme le noyer. La grande variété ainsi que la fantaisie débridée des formes compense la simplicité du matériau. Les dossiers des sièges s’ouvrent en éventail, les arcatures se multiplient. Cependant, le Biedermeier tire certains de ses traits du style Empire, notamment les formes douces et galbées. Cette esthétique se retrouve dans la forme du dossier du siège avant tout. La recherche de simplicité dans les formes et de la praticité se diffusent notamment par les menuisiers Michel Thonet et Karl Friedrich Schinkel. Il met au point le « dossier arrondi ergonomique ».

Le fauteuil en cabriolet de Louis XV marque la première adaptation ” ergonomique ” de la forme du meuble. Les fauteuils Biedermeier peuvent être considérés comme les premières manifestations du design. C’est un terme qui accorde l’amélioration du confort à la production industrielle et à l’esthétique. La création est associée à la production, permettant à un plus grand nombre de personnes d’avoir accès à « l’objet utile ».
Le Second Empire contre-attaque
Contexte
La modernité est le maître mot de la seconde moitié du XIXè siècle. Baudelaire la définit en 1863 comme « le fugitif, le transitoire, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable ». Plébiscité par le peuple, appuyé par la bourgeoisie, Napoléon III entraine la France sur la voie de la révolution industrielle. Avec le Second Empire, une nouvelle société se forme. Pour la plupart, le niveau de vie augmente, cependant, les classes sociales s’affrontent et les écarts se creusent. La classe moyenne s’installe et prend de l’importance. Un nouveau mobilier, oscillant entre passion historiciste et nouveaux matériaux voit le jour.
Éclectisme et Second Empire (1852-1870)
Le goût historiciste est très présent pendant le Second Empire. Néo-Boulle, néo-Louis XIII, néo-Louis XV, de nombreux détails des productions précédentes sont copiés et se retrouvent sur les fauteuils. Appelé éclectisme, ce goût du passé désarçonne car il mélange tout ce qui est connu. Les fauteuils à dossier ornés de colonnettes néo-Renaissance ou aux pieds galbés à la manière des fauteuils Louis XV envahissent les salons. Le bois noirci est préféré, car il est moins coûteux que de l’ébène. Concernant les meubles Napoléon 3 encore plus modestes, les écailles peuvent être remplacées par du simple cuir bouilli.

Confort
Le confort est véritablement un aspect de la modernité sous le Second Empire. Les objets anciens entourent toujours les classes sociales élevées. Cependant, ils sont rapidement concurrencés par des objets contemporains plus pratiques et confortables. Le confort prend souvent le pas sur l’esthétique. Certains fauteuils sont entièrement capitonnés, et prennent le nom de fauteuil « Crapaud ». De plus, de nouvelles formes très originales apparaissent, comme le ” confident “, deux fauteuils collés en forme de S. Son contraire, ” l’indiscret “, est composé de trois fauteuils rassemblés en un.
La Révolution industrielle et le Biedermeier allemand influencent beaucoup la production mobilière du siècle suivant.
L’aube du XXème siècle
La belle époque et l’Art Nouveau (1880-1920)
Les arts décoratifs plagient toujours les styles précédents, mais du contexte insouciant et incroyablement stable du début de la Troisième République émergent des créateurs rebelles. Des créateurs souhaitent se détacher d’un passé afin d’élaborer un style propre à leur époque.
En Angleterre, l’esthétique des Arts & Crafts domine depuis les années 1860. Ce groupe milite afin de redonner une place à l’artisanat, aux objets simples et entièrement créés par une seule main : l’Art Nouveau est né, et il se diffuse partout en Europe, jusqu’en France. Il touche toutes les productions, architecture comme mobilier jusqu’aux poignées de porte.

fabriqué en 1904, conservé au Musée des Arts Décoratifs de Paris.
En ce qui concerne les fauteuils, les courbes sont très étirées et le dossier est souvent haut et ajouré. Il est sculpté à la manière d’une longue tige de fleur. Les accotoirs sont conçus d’une seule ligne, et reposent sur des consoles en « coup de fouet », Les assises sont en forme de carré adouci, et plus légèrement rembourrées qu’auparavant. Les pieds sont aériens, droits ou légèrement courbés, dans le prolongement du dossier. Il n’y a aucun angle droit, la courbe est maitresse. La ligne est alanguie, le meuble prend une forme « organique » plutôt que « géométrique ». Cette esthétique est un héritage du Biedermeier.
Ce style très élégant ne touche pourtant qu’une partie de l’élite intellectuelle. Jugées excessives, les lignes deviennent plus droites et donnent naissance à l’Art Déco.
L’Art Déco (1920-40)
Au sortir de la Première Guerre mondiale, une frange d’intellectuels remet en cause la bourgeoisie, dans la continuité de la Révolution Russe. Les avants gardes déferlent sur la scène artistique. La figuration est parfois abandonnée et le commun devient objet d’art. La société est profondément ébranlée, et n’entend plus vivre comme avant.
L’Art Nouveau est désormais appelé « style nouille », et la courbe laisse place à la sobriété de la ligne droite. Le nouveau style se divise en deux. D’un côté, les « ensembliers-décorateurs » prônent le raffinement et la sobriété des meubles composés de matériaux précieux. Ils entendent renouer avec le « goût français », cher aux menuisiers du XVIIIème siècle. De l’autre, la prêche tend vers une radicalisation des lignes, plus simples, plus fonctionnelles, réduisant parfois le meuble à sa structure. Le Bauhaus est effectivement passé par là.

Les fauteuils ne se composent plus uniquement de bois car le métal fait son apparition. Le matériau est très populaire, si bien que les pieds avant, les consoles d’accotoir et les accotoirs eux-mêmes peuvent être composés d’une seule pièce de métal. Les pieds sont dans le prolongement du dossier. Le fauteuil « club » apparait. C’est un fauteuil à l’assise basse et profonde, très confortable. Les pieds sont courts et trapus. Parfois, les consoles d’accotoir peuvent être pleines, et plaquées de panneaux marqueté de manière plus moderne et moins « conventionnelle » qu’autrefois.
En somme, les modernes prolongent les innovations de Michel Thonet et militent pour du mobilier dessiné, aux formes épurées. Ils les conçoivent de manière à ce que leur fabrication soit industrielle et destinées aux classes « laborieuses ». Dans l’exposition ” Le monde nouveau de Charlotte Perriand “, la Fondation Louis Vuitton rend hommage en 2019 à cette designer française pionnière de la modernité.
Années 1940
Période de troubles, la Troisième République ploie sous la botte nazie le 10 juillet 1940. La remise en cause de la modernité est d’autant plus forte que l’époque est noire. Tout le monde souhaite revenir à un âge d’or du goût français. De cette manière, c’est grâce au Mobilier National que se forme le style années 40. En effet, de nombreuses commandes sont passées afin d’aménager les ministères et ambassades.
Le style cultive avant tout les clins d’œil aux styles passés, sans toutefois en faire la copie de manière systématique, comme au Second Empire. Les lignes sont fluides et exagérément galbées. La matière est mise au défi. Le fer forgé remplace le métal tubulaire. Les chaises retrouvent des dossiers hauts, tandis que les fauteuils de la lignée des « clubs » enveloppent la silhouette. Les pieds en sabre et les dossiers enroulés en parchemin du Premier Empire refont surface mais la dorure sur bois n’est plus du tout à la mode. Une légère innovation s’observe au niveau de l’assise, qui se dissocie du dossier et se trouve donc en léger retrait.
Au sortir de la Guerre, ce sont toujours les mêmes décorateurs qui sont présents et qui donnent le ton. Lors du salon des Artistes Décorateurs de 1947, les critiques sont acerbes : « Dans un pays où tant de maisons sont à reconstruire, nous ne voyons que des ensembles destinés à une classe privilégiée ». Alors, dans l’ombre, des créateurs réfléchissent à un mobilier encore plus adapté à tous, dans la lignée des nouveaux habitats qui se développent. Le style année 50 est en élaboration.
Les Trente Glorieuses
Années 1950
L’Amérique fait rêver. Une ère d’espoir commence. Cependant, la France est dévastée et la Quatrième République n’est pas stable. Entre conformisme et soif de libertés, les années 50 sont un tournant décisif. La Cinquième République arrive et stabilise le pays en 1958, en pleine guerre d’Algérie.
Les meubles de série sont la spécialité du designer René Gabriel. Il dessine pour les sinistrés de la Guerre des meubles simples et économiques. La reconstruction de la France passe par une réorganisation globale de l’urbanisme. L’habitat évolue, et le mobilier suit au même rythme cette évolution. Marcel Gascoin définit le meuble moderne comme étant : « sobre, aux lignes nettes, aux dimensions réduites, de volume ou de surface entièrement utilisable et d’ailleurs susceptible d’accroissement (…) il est d’entretien facile pour la maîtresse de maison ».

La sobriété triomphe donc, au même titre que le chêne clair. Le créateur mélange les matières dans des formules simples et efficaces. Toutefois, le confort n’est pas délaissé, mais il est repensé de manière contemporaine. Les meubles épurés de style scandinaves affluent et leur simplicité inspire d’autant plus les créateurs français. Désormais, les fauteuils prennent différentes formes et sont constitués de plusieurs matériaux. Le piétement est généralement en tube d’acier. Les assises sont tressées en « scoubidou » ou en rotin. Les dossiers sont droits, inclinés et rectangulaires. Les garnitures se sont transformées en coussins amovibles.
Années 60-70
Les enfants du baby-boom ont grandi, les années yéyé voient l’apparition d’une culture de la jeunesse. Tandis que Martin Luther King a un rêve en 1963, les pavés grondent en mai 68. Le président Pompidou est un amateur d’art et choisit des designer pour meubler l’Élysée.
L’artisanat s’effiloche face au terme « design », mot populaire synonyme de création. Désormais, le mobilier est gai, vif et coloré. Le plastique est partout, sous toutes ses formes possibles grâce à la technique du moulage ou de la thermoformation. Les meubles adoptent des formes douces, arrondies, qui sont plus ou moins organiques. Dans cet esprit, les formes des fauteuils sont ergonomiques et enveloppantes. L’assise est basse, proche du sol. Certains fauteuils adoptent très franchement la forme du corps. Époque informelle, les designer imaginent de nouvelles manières de s’asseoir. Des tapis au rebords inclinés vers le haut font office de néo-fauteuil.

En revanche, après le choc pétrolier de 1973, le plastique perd de sa popularité, ce qui laisse la voie ouverte à l’association d’autres matériaux comme l’inox, le verre et le marbre.
Années 80
Si la crise est omniprésente, la culture a pourtant le vent en poupe. Jack Lang innove et multiplie les festivals culturels tandis que de « Grands Travaux » ponctuent la présidence. Louvre, Institut du Monde Arabe, Arche de la Défense, ces chantiers marquent l’émergence des star-architectes. Pareillement, ce sont Phillipe Strack et Jean-Michel Wilmotte qui aménagent les appartements de Mitterand.

Concernant l’ameublement, les formes sont nettes, incisives. Les designer oublient les courbes, la pointe domine. De nouveau matériaux sont utilisés, comme les fibres de carbone ou le néoprène. L’ameublement de style industriel est à la mode. Par ailleurs, il existe autant de styles que d’individus, cependant, quelques traits communs émergent. La chaise se réduit parfois à sa simple structure, même si elle est inconfortable. Deux grandes tendances concernant le siège en général s’affirment. La première catégorie concerne les sièges « expérimentaux ». Les lignes géométriques sont franches, les assises dépouillées et ils sont construits en matériaux industriels. La seconde catégorie concerne les sièges « classiques ». L’influence des années 30 est forte, les lignes douces des dossiers ajourés sont habillées de housses en toile.
Et maintenant?
L’URSS s’effondre en 1991, la géopolitique redessine un nouveau monde hyper connecté. De nos jours, le design se mondialise. L’ouverture au monde et les échanges ont permis un accès illimité à tous les styles par le plus grand nombre. Ikea, Maison du Monde, les webantiquaires … Désormais, l’accès à la création n’est plus limitée à l’élite.
La volonté de cet article est de montrer à quel point le progrès ainsi que la modernité sont des concepts clairement visibles dans le domaine des sièges. Ces derniers révèlent en effet l’esprit d’une époque, plus qu’aucun autre type de mobilier. Si le siège a toujours été un meuble primordial, la première moitié du XXème siècle en fait un objet plus important encore. Le design des sièges fait ainsi preuve d’une grande fantaisie, présentant des silhouettes agréables, doublées d’un degré de portabilité, de durabilité et de confort jamais atteint auparavant.