Par Daniel Cagnolati
Elément décoratif répondant aux différents styles historiques, la cheminée ancienne nécessite cependant la connaissance des gens de métier, les fumistes.
Une cheminée ancienne n’est pas nécessairement plus chère qu’une neuve. Il faut tenir compte de la qualité, du travail exécuté, d’autant plus que la main d’œuvre est aujourd’hui plus coûteuse qu’autrefois. Une jolie cheminée, vieille de deux ou trois siècles, peut s’acheter à un prix moins élevé qu’une grande cheminée actuelle d’inspiration gothique, tendance bande dessinée. En outre, opter pour l’ancien vous assure la possibilité de le revendre ultérieurement, alors qu’il n’en est rien pour l’actuel.

Comme les meubles, les cheminées anciennes aussi ont leurs styles. Les caractéristiques du Louis XV en mobilier se retrouvent dans les cheminées (par exemple le travail sur les courbures), de même pour le Louis XVI (les lignes droites d’inspiration antique). Une grande cheminée Renaissance s’apparente à l’architecture de cette époque. Elles sont de bois, de marbre, de pierre, dans les styles les plus divers, simples ou sophistiquées, surmontées ou non d’une glace ou d’un trumeau. Elles sont le point d’orgue de tout intérieur depuis les temps les plus lointains, dégageant une atmosphère chaleureuse, feutrée et reposante où se mêlent le spectacle d’une belle flambée et les senteurs du bois.
« Ce qui caractérise les cheminées dites parisiennes qui, comme leur nom l’indique, se trouvent en Île-de-France, c’est avant tout leur plateau détachable », précise Christine Pouillon, antiquaire versaillaise spécialisée dans ce domaine. « Leur hauteur se situe aux alentours de 1,10 m, et elles datent d’une époque qui s’étend de Louis XIV à la fin du XVIIIe siècle. Ces spécificités les différencient des cheminées de campagne et des modèles régionaux. Elles ont été fabriquées dans une pierre légèrement dorée, naturelle, dont la qualité lui confère des textures intéressantes, la “pierre de Clamart” ou “pierre de Paris”, produite jusque dans les années 1900. Ce type de cheminée a été également fabriqué en marbre de couleur, noir, blanc, rouge royal ou rouge de Rance, plus rarement en bois. » Trouvées généralement en l’état étant donné leur ancienneté, les antiquaires spécialisés procèdent à un travail de préparation : décapage, polissage, réfection des parties cassées, comme les côtés latéraux. Des cheminées parisiennes du XVIIIe siècle, fabriquées en plâtre peint, nécessitent un savoir-faire délicat pour leur nettoyage.
Noblesse des matériaux
Antiquaires du bâtiment, brocanteurs et récupérateurs de matériaux démontent et revendent des cheminées anciennes provenant de chantiers de démolition. Il y en a pour tous les goûts et pour tous les budgets. Pour s’intégrer harmonieusement dans une pièce, la cheminée doit avoir des proportions et une taille judicieusement choisie. Les modèles trop massifs écrasent la pièce. L’improvisation dans ce domaine très pointu n’existe pas ! Pensez aussi au poids de la cheminée, à son transport et à sa mise en place.
Le sol doit être pourvu d’une chape de béton de sept centimètres au moins. Pour l’installation, l’assemblage, le jointement et le scellement, faire appel à un spécialiste est préférable. C’est un véritable savoir-faire ! L’âtrier équipera la cheminée d’un foyer complet et le fumiste s’assurera du bon fonctionnement du conduit. La sécurité et l’efficacité du chauffage sont primordiales. Ce sont là des dépenses à prendre en compte !

La nature des matériaux employés est un critère non négligeable dans la fixation du prix d’une cheminée. Généralement, on considère que les plus beaux éléments des cheminées sont en marbre blanc (la pureté de celui de Carrare étant exceptionnelle). Cependant, il existe une grande variété aux teintes très nuancées, que l’on retrouve notamment dans les demeures bourgeoises, puis dans les appartements sous Napoléon III. Le choix ne manque pas. Le marbre peut être royal, bleu turquin, rouge Portor (rare), brèche d’Alep, griotte (brun foncé taché de rouge), noir Marquina (très à la mode sous Napoléon III), du Languedoc, Sainte-Anne (aux tonalités de gris soutenues par des taches blanches), de Rance, de Campan… Mais les autres pierres ont aussi leur noblesse, qu’elles soient de Bourgogne, du Gard, de Paris, de Tavel… Elles sont également très bien cotées.
L’installation et la plaque
La cheminée sera ensuite complétée par une plaque de foyer. En fonte ou en fer forgé, elles sont apparues à la fin du Moyen Âge. Leur rôle, indispensable, consiste à couvrir le contrecœur de la cheminée, à emmagasiner et restituer la chaleur. Leur décoration, parfois particulièrement riche, est un autre de leurs atouts. Armoiries, blasons, dates, allégories, scènes mythologiques, histoire sainte, symboles divers, scènes pastorales, évocations de traditions régionales, dictons, proverbes sont autant de thèmes qu’elles arborent et qui peuvent faire la joie de collectionneurs.

Les puristes rechercheront évidemment les plaques anciennes. La vieille fonte se remarque à ses imperfections, à ses « bulles » au dos des plaques. La récente est plus lourde, et son décor moins recherché, moins fin. Mais attention : avant toute acquisition, sachez qu’une fonte cassée ne se répare pas !
Les chenets
Dès le début du Moyen Age les chenets sont décorés. D’abord réalisés en pierre, le plus souvent ils représentaient souvent un chien, à l’origine, d’où le terme chenet.
Les chenets proprement dits ont pour vocation de supporter les bûches. Sous Louis XIV naissent les chenets à double barre qui sont le signe d’appartenance à une famille noble. Leur décoration commence à s’enrichir. La mode des chenets en bronze apparaît sous Louis XV. Au XIXème l’épopée les campagnes napoléoniennes inspirent les artisans qui ajoutent, par exemple, des têtes de sphinx.

Comme pour les plaques de cheminées, c’est dans le décor des chenets que l’on trouvera les meilleurs indices d’authenticité. Le moindre détail historique est important. Mais soyez très prudents : des faux circulent. Les chenets du XVème et XVIème siècles sont rares. On en trouve beaucoup d’époque Napoléon III, ornés de boules dorées ou de têtes de sphinges.
La seconde moitié du XVIIIe siècle a vu naître des chenets exceptionnels en bronze doré qui, aujourd’hui, sont de très grande valeur : parfois plus de dix mille euros ! En effet, comme pour certains meubles et pendules, ils peuvent être le fruit du travail de grands bronziers comme Pierre-Philippe Thomire (1751-1843). En revanche, au milieu du XIXe siècle, fer forgé, cuivre et bronze sont abandonnés au profit de la fonte. L’industrialisation permet alors la fabrication en série de chenets plus petits, mieux adaptés aux cheminées de ville, les marmousets. Leurs extrémités représentent souvent des visages de femmes, d’hommes célèbres, d’animaux…
Pierres, plaques, chenets et accessoires divers concourent à la mise en place du foyer, avec les conseils d’un professionnel avisé.
Petits conseils pratiques
+ Pour faire briller un marbre de cheminée :
Une cheminée de pierre se lavera à l’eau savonneuse. Un produit appelé Rember lui gardera son poli et imperméabilisera votre marbre. Appliquer la solution avec un chiffon cotonneux, puis frotter pour faire briller.
+ Pour nettoyer une cheminée de bois :
Utiliser une cire vierge puis donner une belle teinte à la cheminée en la badigeonnant à l’aide une cire teintée.
+ Pour décaper une cheminée :
Si elle est recouverte de couches de peinture et de suie, vous pourrez employer un produit dit destructeur de peinture. Celles-ci s’élimineront ensuite par brossage ou rinçage.
+ Pour protéger la cheminée si les pierres sont poreuses
Vous pourrez la passer au silicate de soude (dilué dans 1/3 d’eau).
Faux et copies
Pour une cheminée d’époque, donc authentique, les parties restaurées ne doivent pas dépasser 30 % de l’ensemble. Attention : le support peut être ancien, mais les moulures et sculptures rajoutées récemment ! Le marchand vous délivrera un certificat d’authenticité et de provenance. Il devra être précisé la mention « d’époque » (authentique donc) ou « de style » (dans le goût d’une époque).
Soyez prudents : des faux circulent. La fonte se copie bien, il suffit d’avoir un moule. Les artisans d’autrefois, qui voulaient fondre une plaque foyère, fabriquaient d’abord un modèle de bois puis réalisaient une empreinte dans le sable : ils obtenaient un négatif. Ensuite ils coulaient le métal dans le sable, et cela donnait un positif”. Mais comment tenter de s’en apercevoir ? Un vrai modèle doit comporter de l’usure au bon endroit, être un peu « bouffé », avoir des traces. La fonte ancienne n’était pas la même que l’actuel, elle était imparfaite, comportait des bulles, que l’on peut voir dans le dos de la plaque (un aspect de peau d’orange. Les faux sont plus lourds, plus massifs, leurs décors souvent moins travaillés.
Quelques exemples de prix
Le prix ne résulte pas seulement de l’ancienneté, mais aussi de la qualité de la sculpture, de la beauté du travail, des matériaux employés… Les prix s’entendent pour des pièces restaurées, prêtes à être installées.
À partir de 200 euros. Plaque en fonte du XIXe siècle au décor très sobre. Paire de chenets en fer forgé du XVIIIe siècle. Chenets en fonte représentant un buste de femme ou une chimère du XIXe siècle.
Entre 300 et 800 euros. Plaque en fonte au décor ouvragé « aux armes de la France ».
À partir de 1 000 euros. Plaque en fonte du XVIIIe siècle, aux armes de France avec un blason et, par exemple, décor d’entrelacs végétaux et de coquille.
Entre 1 500 et 3 000 euros. Plaque en fonte du XVIIIe siècle avec un décor plus sophistiqué.
À partir de 3 000 euros. Une cheminée de la fin du XIXe siècle, mais de style Louis XV, dans un marbre pas trop rare comme celui du Languedoc.
Entre 3 000 et 8 000 euros. Cheminées anciennes en pierre, sans trumeau. La fourchette reste large. Les cheminées « parisiennes » avoisinent les 6 000 euros.

Entre 5 000 et 12 000 euros. Une cheminée en marbre, selon l’époque et la qualité du marbre. Une très belle paire de chenets, par exemple une paire d’époque Napoléon III en bronze doré très travaillé et bronze laqué bleu.
Lire
Cheminées françaises à travers les styles, Par Samuel Roger, Éditions Vial, 2011.
Ecrit par un grand antiquaire international spécialisé dans les matériaux anciens depuis bien des années, ce livre de référence présente plus de 100 cheminées françaises anciennes, de l’époque gothique jusqu’à la première moitié du XXe siècle. L’auteur nous ouvre la porte de ses archives en présentant des cheminées caractéristiques, abondamment décrites et photographiées.