Oratoire en Noyer massif, style Renaissance Neo-gothique – fin XIXe

Le style néo-gothique et Henri II

Par Daniel Cagnolati

Le néo-gothique s’inspirait du Moyen Âge, et l’Henri II de la Renaissance (il faudrait mieux parler de néo-Henri II). Ces deux styles, qui ont fleuri au XIXe siècle, ont connu le succès au point qu’ils demeurent encore très présents aujourd’hui. Ensemble, ils forment un marché difficile, mais avec des opportunités !

Les premiers signes du néo-gothique apparaissent dès la fin de l’époque Restauration, à l’approche de 1830, avec l’arrivée des romantiques en littérature, qui avaient notamment coutume de faire référence au Moyen Âge. Ce style de mobilier perdurera durant le XIXe siècle en France, mais aussi en Allemagne, en Suisse, en Angleterre, en Italie, en Belgique… Quoi de mieux, en effet, que ces meubles « médiévaux » pour lire de l’Alexandre Dumas ou du Walter Scott, avec de bonnes bûches flambant dans la cheminée ? Au passage, notons que le romantisme en architecture est surtout l’affaire de la seconde moitié du XIXe siècle. En Angleterre, le style victorien inclut une part non négligeable de néo-gothique, même s’il ne se résume pas à cela. Ce dernier possède d’ailleurs une cote correcte sur le marché, sans être très demandé.

Galerie L’ESTAMPILLE, Miroir style Renaissance – Henri II en noyer, en vente sur Antikeo

En France, à la fin du XIXe siècle, grandira un « bâtard » du néo-gothique. Ce sera le style Henri II, qui est du néo-Renaissance, donc néo-Henri II. Il se réfère au roi déjà nommé, le fils de François Ier (XVIe siècle). Le genre deviendra très populaire dans la petite bourgeoisie, au point qu’une abondante production industrielle verra le jour.

Des prix assez bas

Ces dernières années, les pays de l’Est et anglo-saxons ont absorbé les excédents d’Henri II en France à prix bas : souvent moins de 500 euros pour une salle à manger complète, un peu plus pour une chambre à coucher (sans le transport). Aujourd’hui, sauf pièce exceptionnelle, 200 ou 300 euros est la norme pour un buffet double corps Henri II datant des années 1890. « Les Américains ne sont plus revenus sur ce marché », explique Hughes de Lencquesaing, expert pour plusieurs maisons de vente, dont Beaussant Lefèvre, une maison spécialisée dans le meuble ancien. « L’Henri II suit la même logique que le reste du marché. En dehors des pièces rarissimes, la valeur de ces styles tend ’à être assez faible. Les plus touchées sont les armoires. » Généralisant le propos, notre interlocuteur parle même de : « la fin d’une culture ».

Exceptionnel buffet dressoir néo-Renaissance par Guéret Frères. Seconde moitié du XIXe siècle. Les frères Guéret sont réputés pour leurs meubles de qualité de différents styles. Ils ont obtenu bien des distinctions dans les Expositions universelles

« Seuls échappent à la règle des exemples d’excellence comme les réalisations de Fourdinois ou de Guéret, car aujourd’hui, avoir un nom, identifier l’auteur, permet de vendre les choses à un prix correct. Quant à la production commune, elle a chuté. » Il peut exister des meubles néo-gothiques et néo-Renaissance (Henri II) à plusieurs milliers d’euros. Toutefois, il s’agit là de pièces exceptionnelles.

Globalement, le néo-gothique est nettement plus coté que l’Henri II. « Le néo-gothique est plus intéressant que l’Henri II », commente Hughes de Lencquesaing. « Il est plus élégant et peut faire montre de légèreté. L’Henri II est plus lourd et est assez encombrant pour les intérieurs urbains actuels. Il a été fabriqué en série pour le petit bourgeois de 1900. » En effet, les origines de ce style trahissent un côté exubérant, parfois excessif, un souci de faire trop historique.

La sculpture à la presse

Pourtant, le travail est de qualité et ne manque pas de charme, même s’il a aussi un côté industriel avec des placages fins obtenus en usine, exécution au tour en série et même usage de la « sculpture à la presse ». Ce procédé consistait à imbiber le bois d’eau pour l’attendrir et le faire gonfler, puis une matrice chauffée et montée sur une presse imprimait une sculpture, à répétition. Ainsi, on ne devait pas resculpter chaque meuble séparément. Pour terminer, l’on brossait et l’on cirait le bois. Ce procédé, qui fut également utilisé sur une partie du néogothique, se repère par ce côté « brûlé » et sans finesse. Des ensembles complets étaient produits : salles à manger, bureaux (rares aujourd’hui), chambres à coucher… Ils étaient vendus dans de grands magasins où les jeunes mariés se rendaient.

Galerie Dousson Antiquités, Chaises Henri II, en vente sur Antikeo

Des années 1860 aux années 1920, de nombreux menuisiers locaux se sont essayés à ce genre qui a vécu sa vie en parallèle avec l’Art nouveau, comme deux mondes qui ne se croisaient pas. Sans oublier qu’une troisième partie de la société se meublait dans les grands styles anciens authentiques, et même, une quatrième clientèle choisissait ceux dits des Expositions universelles (notamment du néo-Louis XV de haut niveau comme en réalisait Linke).

Une question de goût

Tous les décors n’étaient pas « fabriqués » industriellement. Une grande partie du travail demeurait artisanal et solide. Il existe de superbes réalisations en Henri II. Il serait regrettable de « bouder » le mobilier Henri II, même si la sociologie historique ne plaide pas en sa faveur. Ce serait encore plus dommageable pour le néo-gothique. Ils font partie de notre patrimoine. En attendant que les goûts changent, il y a de très bonnes affaires à réaliser.

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