Cartons de tapisserie roulés sur des étagères
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Le carton de tapisserie : un outil de travail devenu un objet de décoration

Servant autrefois de modèle au lissier, le carton peint de tapisserie a disparu des ateliers et orne aujourd’hui les murs. Remplacés, depuis les années 1970-1980, par la photographie, ces patrons peints étaient tombés dans l’oubli. Cependant, un marché de niche s’est réveillé avec une antiquaire et restauratrice, Chantal Chirac.

À la suite de ventes aux enchères de fonds de manufactures, que Chantal Chirac a suivi aussi bien à Paris qu’en Limousin, cette antiquaire et restauratrice de tapisseries a récolté tout un patrimoine.

L’univers coloré et fleuri de Chantal Chirac à découvrir à la foire de Chatou ou directement sur Antikeo

En s’installant à Aubusson, dans le Limousin, ville qui a compté jusqu’à 2 000 lissiers dans les années 1980, Chantal Chirac ne connaissait pas cet élément qui leur était indispensable, le carton. Elle découvre alors ces peintures à l’huile ou à la gouache sur papier. Elle tombe sous le charme au point d’écrire, en 2010, un livre, Les Cartons de tapisserie (Éd. Vial), et de créer, en 2012, un atelier-musée dans ladite ville.

Tout comme les papiers peints anciens qui reviennent à la mode, les cartons de tapisserie sont devenus des éléments de décoration en eux-mêmes. Ils constituent aujourd’hui un achat coup de cœur. « Si les scènes galantes à la Boucher ou Oudry, ou encore Les Fables de La Fontaine retiennent toujours l’attention des connaisseurs, l’intérêt des amateurs s’est reporté depuis une dizaine d’années sur les thèmes végétaux et floraux », estime notre spécialiste.

Place aux modernes

Un autre objet de convoitise est les cartons modernes signés datant des années 1950, 1960 et 1970. « Ces cartons d’artistes ne sortaient pas des ateliers, afin de préserver le nombre de tapisseries tissées », explique notre interlocutrice. En effet, leur production est limitée depuis 1981 : six tapisseries sont destinées à la vente, tandis qu’il reste une épreuve d’atelier et une épreuve d’artiste.

Galerie Chantal Chirac, Carton de verdure à l’oiseau, en vente sur Antikeo

Parmi les quêtes impossibles figurent les petits formats modernes. Ils n’existent plus sur le marché. Très prisés, les cartons de Dom Robert (1907-1997), moine bénédictin et peintre cartonnier de tapisseries modernes, sont la propriété exclusive des moines d’En Calcat. Jean Lurçat (1892-1966) demeure le plus célèbre de ces artistes, mais, malgré une création prolifique, aucun de ses cartons ne circule sur le marché et il faut pousser la porte des musées pour en voir, comme celui de Sorèze. La Cité de la Tapisserie (Aubusson) conserve quelque 500 de ses cartons légués par son épouse, et l’atelier-musée Jean Lurçat (Saint-Laurent-les-Tours, Lot), ancienne demeure de l’artiste, en présente 500 autres également donnés par sa femme.

Le patron vole la vedette à l’œuvre

« Je vends bien les fragments sans restauration, et ces pièces plaisent ainsi aujourd’hui », considère Chantal Chirac. Pour leur utilisation en atelier, les cartons étaient coupés en bandeaux par les lissiers. Ainsi, notre restauratrice vend les cartons complets, mais tels quels. Ces bandes trouvent merveilleusement leur place entre les fenêtres d’une habitation, alors que d’autres cartons vont orner le dessus d’une cheminée ou encore d’un lit.

Notre antiquaire aux multiples talents préfère « les rencontres entre personnes aux plates-formes Internet, qui servent cependant de vitrine permettant de toucher une plus large clientèle, mais aussi de permettre aux clients de procéder à un repérage avant une visite en galerie. »

Défendre un patrimoine

« J’aime beaucoup la Foire de Chatou, ce sont mes vacances », poursuit cette défenseuse du patrimoine. « Deux fois par an, je redeviens marchande à temps plein… Et je rentre toujours à Aubusson les bras chargés de travaux de restauration ». Chantal Chirac définit sa clientèle comme aimant profondément le patrimoine. « À la Foire de Chatou, les Américains, majoritairement des marchands, ont tendance à acquérir plusieurs cartons de tapisserie tandis que les Français, le plus souvent des particuliers, jettent leur dévolu sur une ou deux pièces. Et souvent ces derniers en achètent pour la première fois. »

La galerie Chantal Chirac à découvrir lors de la foire de Chatou ou bien directement sur Antikeo !

Les cartons de tapisserie ont beaucoup de charme et touchent une clientèle que Chantal Chirac qualifie de discrète, et qui rappelle les possibilités de fantaisie qu’offrent ces cartons. « On peut jouer sur la façon de les monter ou de les accrocher, même de manière moderne. »

Si vous êtes, vous aussi, sous le charme de ces cartons voués à disparaître, il faudra compter entre 40 et 150 euros pour un petit, entre 200 et 600 euros pour un moyen format, et ente 300 et 1 200 € pour un de la taille d’un canapé. La taille influe donc sur le prix. Certains grands panneaux peuvent coûter entre 3 000 et 4 000 euros.

Galerie Chantal Chirac, Carton de tapisserie, dossier de canapé Louis XVI, en vente sur Antikeo

Notre antiquaire restauratrice souligne l’intérêt de s’intéresser, avant tout, à la technique pour mieux les comprendre. Les accidents font bien souvent partie de la vie de ces cartons. Les trous proviennent des épingles utilisées par les lissiers. Vous trouverez souvent les cartons roulés, car les lissiers les conservaient ainsi. Retrouvez Chantal Chirac à La Foire de Chatou du 7 au 16 mars 2025, pour parler avec elle d’un marché de niche permettant la sauvegarde de tout un patrimoine.

On pourrait aussi épiloguer sur le statut du carton de tapisserie. Certains ont été conçus par de grands peintres, tel Raphaël. Alors, œuvre d’art en soi ou pas ?