Jardinière en porcelaine de Sèvres. Vert et fleurs. XVIIIe siècle.

La porcelaine de Sèvres ou la rencontre de l’art et la science

Initialement créé pour concurrencer la porcelaine de Saxe, la Manufacture de Sèvres naît en 1740 sous les auspices de Louis XV et de sa favorite, Madame de Pompadour. La Manufacture est rapidement pionnière, tant du point de vue technique qu’artistique. La porcelaine de Sèvres opère une véritable rencontre entre l’art et la science. En effet, avec l’arrivé de la pâte dure les modèles et les couleurs se diversifient. Alors qu’elle souffre de la Révolution de 1789, elle se maintient à travers les régimes successifs du XIXe siècle.

Cet article présente la porcelaine de Sèvres sous ses aspects historiques, techniques et esthétiques.

I. De Vincennes à Sèvres

Genèse de la manufacture

La manufacture de porcelaine de Vincennes voit le jour en 1740, sous l’impulsion de Louis XV et Madame de Pompadour. Jean-Louis Henri Orry de Fulvy, originaire de Rouen, fonde la manufacture  afin de concurrencer la production de porcelaine à pâte dure de Meissen. Cette dernière débute au début du XVIIIe siècle, à l’initiative du roi Frédéric Le Grand.

La manufacture de Vincennes s’installe d’abord dans la Tour du Diable du château de Vincennes. En 1745,  elle reçoit des privilèges royaux afin de créer de la porcelaine comme en Saxe. La manufacture commence par produire quelques vases et des fleurs de porcelaine. Ces dernières agrémentent des lustres, des pots pourris, des vases, etc.  Madame Gravant dirige l’atelier composé d’une vingtaine de femmes. Il ferme ses portes en 1753, date à laquelle les femmes ne sont plus autorisées au sein de la manufacture. En 1749, la manufacture produit quelques biscuits, sans glaçure ni émail. A la même périodes, de nouveaux décors apparaissent, inspirés notamment de l’œuvre de François Bouchez

Vase en porcelaine de Sèvres. 1758. D'après François Bouchez.
Vase en porcelaine de Sèvres, circa 1758. Pâte tendre. Cartouche avec un d’amours jouant dans la nuée. D’après François Bouchez. ©Metropolitan Museum of Arts.

Jean-Louis Henri Orry de Fulvy meurt en 1751. Une nouvelle compagnie remplace alors la manufacture existante. Elle prend le nom d’un certain Eloy Brichard, prête nom du roi. Louis XV achète 25% des actions de cette nouvelle société. 

Installation à Sèvres

Rapidement, le château de Vincennes devient trop petit pour la manufacture nouvellement créée. De plus, elle est loin de Versailles. Madame de Pompadour influence alors le roi pour relocaliser la manufacture à Sèvres, non loin du Château de Bellevue. La construction des nouveaux bâtiments commence en 1753 et se termine trois ans plus tard. La manufacture fait 130 mètres de long et dispose de quatre étages. 

Le déménagement de Vincennes à Sèvres coûte plus d’un million de livres. Malgré les subventions royales, les actionnaires vendent leurs parts. En 1756, Louis XV achète l’ensemble des actions de Sèvres et en devient l’unique actionnaire.

II. Aspect technique : la pâte dure

D’un point de vue technique, la porcelaine de Vincennes et de Sèvres n’est réalisée qu’en pâte tendre à ses débuts. Cette pâte dite “fritte” est artificielle. Il s’agit d’un mélange de sable siliceux ou de feldspathique et autres éléments calcaires. Des moules permettent de former les pièces en pâte tendre qui se vitrifient après une difficile cuisson. Un vernis plombifère recouvre ensuite la pièce. Une fois le vernis cuit, la pièce est décorée, tout comme ses homologues en porcelaine fine, soit à pâte dure. 

La porcelaine fine, à pâte dure, est longtemps restée un secret gardé par les chinois. Ce matériaux, aussi précieux que l’or, s’obtient grâce à un argile blanc, le kaolin. Le secret se révèle à Meissen en 1705. En 1763, Pierre-Antoine Hannong, travaillant à Sèvres, identifie la substance. En 1767, un gisement de  kaolin est découvert à Saint-Yrieix,  près de Limoges. La Manufacture Royale de Sèvres produit ses premières pièces en porcelaine à pâte dure trois ans plus tard.

Le saviez-vous ?

Le kaolin a été découvert en occident à l’occasion de deux accidents domestiques ! 

En Saxe, il est identifié par un chimiste du nom de Bötteger. Alors qu’il soulève sa perruque poudrée en 1705, il se rend compte qu’elle est plus lourde qu’à l’habitude. Après avoir interrogé son domestique, il apprend que la poudre provient d’un gisement non loin d’Aüe (Saxe). Il procédé à plusieurs études et analyses, et en conclut à sa grande surprise qu’il s’agit de kaolin. La porcelaine fine commence alors à être produite à Meissen.

En France, le kaolin est découvert en 1768 par Jean-Baptiste Darnet, médecin et membre de la commission initiée par Louis XV afin de trouver le secret de fabrication de la porcelaine fine. Alors qu’elle était à court de savon pour laver son linge, Madame Darnet utilise une argile blanche qu’elle trouve près de chez elle, à Saint-Yrieix. Une fois le linge séché, J.-B. Darnet se rend compte qu’il est devenu raide. Il intègre alors la substance à ses essais sur la porcelaine. Trois ans plus tard, les premières pièces en pâte dure arrivent à Sèvres.

III. Les signatures de la porcelaine de Sèvres

Signatures de l’Ancien Régime

En 1745, alors que la manufacture de Vincennes reçoit des privilèges royaux, elle commence à signer les pièces qu’elle produit. Deux L entrecroisés servent alors de signature. Cette signature est d’application jusqu’en 1794, date de la Première République. A cette signature s’agrémente d’une lettre date. Une lettre est attribuée à chaque année et est apposée avec les L entrecroisés. Cela permet de dater précisément la pièce. Par ailleurs, avec l’arrivée de la porcelaine fine, et afin de la distinguer de la porcelaine en pâte tendre, une couronne est apposée sur les pièces en pâte dure. 

Signature d'une Porcelaine de Sèvres. LL, lettre date D.
Signature d’une porcelaine de Sèvres en pâte tendre, circa 1757. Double L entrecroisés et lettre D pour l’année 1757.

Signatures post-révolution

Après la Révolution, les régimes politiques se succèdent et les signatures de Sèvres avec. Voici quelques exemples de signatures durant la première moitié du XIXe siècle.

A partir de 1804, alors que Sèvres devient Manufacture Impériale, la signature comporte la mention “Man Imple de Sèvres” au tampon et a date. Sous la Restauration, les lettre LL (Louis XVIII) et CC (Charles X) sont d’application. Durant la Monarchie de Juillet,la signature comporte un LP, avec, à sa gauche un SV pour Sèvres et, à sa droite, les deux chiffres de l’année de production. Nous avons également la signature RF pour la Seconde République. Sous le Second Empire, la signature comporte un N couronné, un cartouche comprenant un S et la date.

IV. Les couleurs de la porcelaine de Sèvres

Au niveau esthétique, la porcelaine de Sèvres recoure à de nombreuses couleurs. La première d’entre elles est le jaune, en 1749. Cette couleur ne remporte pas un franc succès, ce qui rend les pièces à fond jaune extrêmement rares. 

Le bleu est une des couleurs de prédilection de la manufacture. Cette couleur apaisante fait rêver et se décline sous plusieurs teintes. Rapidement, la manufacture de Vincennes utilise du bleu lapis. Il est appliqué au pinceau et est nuageux. Le bleu cobalt, dit bleu de Sèvres, est sans doute le bleu le plus connu de la manufacture. Créé en 1778, il orne les pièces les plus célèbres.

Aissette, goût de Sèvres. Bleu de Sèvres. XXe siècle.
Assiette en porcelaine goût de Sèvres, circa 1920. Pâte dure et fond de couleur bleu de Sèvres. Série de six assiettes en vente sur Antikeo.

Le bleu céleste, quant à lui, se veut plus clair et tire vers le bleu ciel. Il ne peut s’appliquer que sur des pièces en pâte tendre. Aucune pièce en pâte dure n’est réalisée avec ce bleu. 

Assiette en porcelaine de Sèvres. Pâte tendre. Bleu céleste.
Assiette en porcelaine de Sèvres, circa 1771. Pâte tendre et fond bleu céleste. ©Metropolitan Museum of Arts.

Le saviez-vous ?

Sous l’Ancien Régime, seule la Manufacture Royale de Sèvres peut utiliser l’or. De fait, à partir de 1756, son  mandat royal lui accorde le monopole de la dorure. Par conséquent, l’or sera abondamment utilisé sur énormément de pièces. 

A sa sortie du four, l’or est noir. Il est alors poli avec un clou, et non à l’agate. Cela produit un or délicat et subtil, signe distinctif de pièces de la manufacture. 

Corbeille en porcelaine de Sèvres. Pâte dure et or.
Corbeilles aux cygnes, circa 1823. Motifs empires et dorure. ©Metropolitan Museum of Arts.

Le rose pompadour orne un bon nombre de vases et pièces de formes. Cette couleur porte le nom de Madame de Pompadour, favorite de Louis XV, sous les auspices de laquelle la Manufacture a vu le jour. 

Vase en porcelaine de Sèvres. Rose Pompadour.
Vase en porcelaine de Sèvres, circa 1763. Pâte tendre et fond rose Pompadour. ©Metropolitan Museum of Arts.

IV. Les motifs de Sèvres : des oeuvres d’art

D’un point de vue esthétique, la porcelaine de Sèvres se caractérise par une foison de motifs.

Motifs classiques

L’idée première, en créant une manufacture à Vincennes, et de concurrencer la porcelaine de Meissen. Dès lors, les motifs de Saxe deviennent des décors privilégiés. Il s’agit notamment de fleurs esseulées ou de motifs naturistes. Les décors d’inspiration chinoise ornent aussi les porcelaines de Sèvres. 

Les œuvres du peintre François Bouchez inspirent également certains décors. Il s’agit de scènes avec des amours, entre autres. Par ailleurs, les trophées sont en vogue : musique, armes, ou champêtres. 

Enfin, d’autres décors font la renommée des porcelaines de Sèvres. Nous pouvons citer, à titre d’exemple, le décor polychrome et or dit « à la feuille de chou ». Il est généralement composé de de fleurs cernées de motifs de feuilles de chou, rehaussées de bleu et d’un filet or.

Un autre modèle est celui des “oiseaux Buffon” dont la plus belle collection se trouve au musée Nissim de Camondo. Buffon représente des spécimens du monde entier sur ce service. Il s’agit d’une illustration de l’appétence de l’époque pour motifs d’histoire naturelle. 

Compotier en porcelaine de Sèvres. Oiseaux Buffon
Compotier en porcelaine de Sèvres, crica dernier quart du XVIIIe siècle. Service aux oiseaux Buffon.

Motifs royaux

En outre, certains modèles d’ornementation deviennent célèbres en raison de leur premier commanditaire. Tel est le cas du petit vase  qui ornementé un service de Madame du Barry. Il entremêle une lettre de fleurs et une lettre dorée. 

Le décor à perles et à barbeaux devient célèbre grâce à Marie Antoinette qui commande un service de 295 pièces avec ce motif. 

Assiette en porcelaine de Sèvres. Perles et Barbeaux
Assiette en porcelaine de Sèvre, circa seconde moitié du XIXe siècle. Pâte dure. Décors à perles et barbeaux.

Le service à frises riches, initialement commandé pour les Tuileries par Marie-Antoinette est aussi un modèle en vogue. 

Enfin, le service de Catherine II de Russie représente  une des commandes les plus colossales jamais passées à Sèvres. Il comprend plus de 800 pièces, pour 60 couverts. Il évoque des décors antiques et des camées. Chaque médaillon comprend un motif différent. Les initiales de Catherine II agrémentent  centre de l’assiette 

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